[Veille] Bris dentaire et état parodontal

Cour administrative d’appel de Toulouse, 2ème Chambre, Arrêt nº 21TL04765 du 6 février 2024, Requête nº 24015

Au décours d’un acte d’endoscopie au sein d’un hôpital public, un patient perd un bridge et les dents qui le servaient de support. Si le juge engage la responsabilité pour faute de l’établissement, il considère que le préjudice de perte de chance qui résulte de l’acte fautif doit être fractionné, au titre d’un état antérieur. Au demeurant, le patient présentait un état parodontal dégradé.

LES FAITS

En 2016, un patient âgé de 56 ans se fait diagnostiquer une volumineuse tumeur amygdalienne. Il est pris en charge en urgence au sein d’un hôpital du secteur public et subit une trachéotomie. Trois jours plus tard, ce dernier bénéficie d’un acte d’endoscopie, au décours duquel il perd son bridge de 5 dents et les trois dents support du bridge, qui sont extraites par le chirurgien-dentiste de l’hôpital.

Estimant avoir été insuffisamment informé des risques de l’intervention et avoir fait l’objet d’une prise en charge fautive, ce patient a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l’établissement à lui verser la somme totale de 18 133,07 euros en réparation des préjudices qu’il a subis.

En première instance, il obtient une indemnisation de 5 360 euros. Il relève toutefois de la décision.

La décision d’appel

En appel, le juge administratif reprend les conclusions de l’expert, qui relève l’existence d’un défaut d’information (faute non-technique, article L. 1111-2 du Code de la santé publique) et deux fautes techniques : un protège-dent n’aurait pas été utilisé et le chirurgien-dentiste de l’hôpital a extrait les dents sans réaliser de radiographie préalable, dans un contexte où il n’y avait aucune urgence à le faire.

Note : dans un contexte de bloc opératoire, il n’est pas possible, pour un chirurgien-dentiste, d’avoir recours à la radiographie dentaire. Quand au protège-dent, l’hôpital rétorque qu’il a bien été utilisé, mais n’apporte aucune preuve de ce qu’il avance.

Dès lors que des fautes existent et qu’elles ont entraîné la survenue du dommage au décours d’une activité médicale, la responsabilité du prestataire de soins est engagée au titre de l’article L. 1142-1 I du Code de la santé publique. Toutefois, le juge administratif ne va pas indemniser la totalité des préjudices.

Un préjudice de perte de chance, fractionné

Dans la décision d’appel, le juge précise que, « dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d’éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».

Le patient a ainsi « perdu la chance » de garder ses 5 dents. Le juge va toutefois fractionner cette perte de chance à la lumière de l’état antérieur qu’il présentait, à savoir, un état parodontal dégradé, qui compliquait l’acte d’intubation. Cette appréciation est subjective apprécié souverainement par le juge, le préjudice de perte de chance étant un préjudice moral. Le juge d’appel confirme d’ailleurs l’évaluation faite en première instance : 50%. Si le patient conteste une telle évaluation, il n’apporte aucun élément permettant de justifier un bon état dentaire.

Ce faisant, le juge prononce la condamnation de l’établissement à verser la même somme qu’en première instance (5 360 euros) au titre des différents préjudices, tout en ajoutant le remboursement « sur présentation de justificatifs, au fur et à mesure qu’ils seront exposés et à hauteur du taux de perte de chance de 50 % retenu, les frais futurs liés au renouvellement de la prothèse de M. B qui resteront à la charge de ce dernier après déduction des frais exposés directement par l’organisme social ».

Une solution plutôt favorable pour le patient…


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