Une patiente conteste des honoraires facturés pour une consultation d’urgence, ayant eu lieu un jour férié. Le tribunal lui donne tort.
Les faits
Une patiente consulte en urgence un chirurgien-dentiste le lundi de Pentecôte 2020, jour férié, au motif de deux bridges descellés.
Au cours de cette consultation d’urgence, le praticien effectue une radiographie panoramique et des clichés rétroalvéolaires qui mettent en évidence des lésions carieuses, mais aussi des traces de colles et résidus de résine sur les bridges. Après avoir délivré l’information d’usage, le praticien se lance dans une séance longue visant à rebaser les bridges. À l’issue de cette consultation, la patiente règle 808 euros d’honoraires.
Egalement, le chirurgien-dentiste remet à sa patiente une ordonnance pour la réalisation d’un scanner maxillaire et mandibulaire, indispensable pour envisager un plan de traitement global. Quelques jours plus tard, le praticien lui adresse même un courriel pour rappeler l’importance de transmettre le scanner afin d’établir un devis.
Toutefois, neuf mois plus tard, la patiente change de position : elle estime que le montant des honoraires aurait dû s’élever à 80 € seulement. Elle demande donc le remboursement de 728 € et, au passage, sollicite 4000 euros de dommages-intérêts. La patiente va même jusqu’à déposer plainte devant le Conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (procédure disciplinaire).
La décision
Sur le plan procédural, l’affaire connaît un parcours un brin chaotique : une première audience est fixée en octobre 2023, mais la demanderesse ne s’y présente pas, entraînant la radiation du dossier. Refusant d’en rester là, la patiente sollicite le rétablissement de l’affaire quelques semaines plus tard, et le greffe convoque de nouveau les parties pour une audience à l’automne 2024.
Les débats ont enfin lieu devant le Pôle civil de proximité du Tribunal judiciaire de Paris. Les deux parties sont présentes et représentées par leurs avocats. La patiente maintient l’intégralité de ses demandes. De son côté, la défense du chirurgien-dentiste insiste sur le caractère inapproprié et tardif de la contestation : la patiente a réglé sans réserve, puis attendu de longs mois avant de soulever un prétendu abus.
Sur le fond, la juge rappelle les principes encadrant la fixation des honoraires des chirurgiens-dentistes : ils doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la complexité des soins, de la situation du patient, mais aussi des circonstances particulières (art. R.4127-240 du Code de la santé publique) . Ici, les circonstances ne manquaient pas : urgence un jour férié, soins conséquents, et une consultation de près de deux heures.
Surtout, le tribunal relève que la patiente a réglé la facture sans la contester au moment des faits. Ce n’est que neuf mois plus tard qu’elle a changé d’avis et tenté de remettre en cause la légitimité du montant. Or, en l’absence d’éléments objectifs démontrant un abus, la contestation repose uniquement sur ses propres affirmations, jugées insuffisantes.
Le juge considère que les soins prodigués par le praticien apparaissent, au contraire, adaptés à la situation. Même le devis ultérieur produit par la patiente, établi par un centre de santé pour un traitement implantaire de plus de 7 000 €, vient corroborer l’ampleur des besoins dentaires constatés par le chirurgien-dentiste ce jour-là.
En conséquence, le tribunal déboute la patiente de toutes ses demandes. Il la condamne non seulement aux dépens, mais aussi au paiement d’une indemnité de 800 € au profit de la dentiste, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
La patiente, qui espérait récupérer plusieurs milliers d’euros, ressort donc de cette procédure avec une addition encore plus salée que celle qu’elle avait initialement contestée.
Pour aller plus loin
À lire, au sujet du tact et mesure : L’insaisissable et mystérieuse notion de «tact et mesure», par le Pr David JACOTOT (p. 34)
Le tribunal de proximité (aujourd’hui appelé pôle civil de proximité depuis la réforme judiciaire de 2020) est une formation du tribunal judiciaire qui s’occupe des litiges civils du quotidien, en général de faible enjeu financier (moins de 10 000 euros) ou de nature simple : ici, il ne s’agit pas d’un contentieux en matière de responsabilité médicale (dommage corporel) mais d’une demande de remboursement d’honoraires.