Une personne sollicite une expertise judiciaire et une provision après avoir, selon lui, fracturé une dent en croquant un caillou contenu dans un paquet de chips. Le juge rejette sa demande : l’origine du dommage n’est ni certaine, ni prouvée, ni même cliniquement établie.
Les faits
M. X déclare avoir cassé une deuxième prémolaire maxillaire gauche (n°25) en septembre 2023, après avoir croqué un caillou présent dans un paquet de chips de la marque Doritos. Il assigne la société PEPSICO FRANCE, propriétaire de la marque de chips, et l’assureur de cette dernière, afin de réclamer une expertise judiciaire et une provision de 2000 €.
À l’appui de sa demande, il produit plusieurs éléments : un certificat médical initial rédigé onze jours après les faits, un devis dentaire s’élevant à 5 084 euros, des échanges avec une représentante du service consommateurs de PEPSICO, ainsi que des témoignages de membres de sa famille ayant, selon lui, assisté à la scène.
La défense conteste fermement l’imputabilité des dommages. Elle souligne notamment l’ancienneté et la gravité de l’état bucco-dentaire du demandeur, déjà atteint d’une carie pénétrante sur la dent concernée. Elle rappelle également que les experts consultés par l’assureur ont écarté tout lien de causalité direct et certain entre l’ingestion alléguée et les lésions dentaires observées.
La décision
Le juge retient plusieurs éléments déterminants pour motiver le rejet de la demande. D’abord, le certificat médical est postérieur de plus de dix jours à l’accident supposé, et son auteur ne se prononce pas sur l’origine du dommage. Ensuite, les expertises médicales produites révèlent un état antérieur très altéré, incompatible avec l’existence d’un traumatisme récent. Enfin, les témoignages familiaux sont considérés comme insuffisants à établir un lien probant entre les faits et les conséquences invoquées.
Constatant l’absence d’imputabilité sérieuse et de preuve tangible, le juge conclut que M. X ne justifie pas d’un intérêt légitime à voir désigner un expert judiciaire, et rejette l’ensemble de ses demandes, y compris la provision sollicitée : « M. X ne justifiant pas d’un intérêt légitime à voir désigner un expert judiciaire, ses demandes d’expertise et de provision seront rejetées« .
Discussion
Élément intéressant de ce contentieux, le juge précise, pour écarter les prétentions du plaignant au titre de l’absence d’imputabilité, que le chirurgien-dentiste qui a rédigé le certificat médical initial « ne se prononce pas sur le possible lien de causalité entre l’accident évoqué par M. X et les soins dentaires qu’il préconise ». Une telle affirmation conduit ici à s’interroger sur la posture du chirurgien-dentiste en matière de rédaction d’écrits professionnels, notamment de certificats.
Or, il doit être rappelé que le fait, de la part du chirurgien-dentiste, de ne pas faire mention de la cause du traumatisme n’est pas en soi répréhensible puisque la prudence est de mise en matière de rédaction de certificat professionnel. D’ailleurs, l’Ordre des chirurgiens-dentiste préconise, dans un document de référence disponible sur l’espace documentaire de son site internet, de rester « descriptif et factuel » et de ne surtout pas certifier l’origine du préjudice : « si ce certificat n’était pas simplement factuel ou descriptif, le chirurgien-dentiste pourrait voir ses responsabilités civile, pénale et disciplinaire engagées. En effet, à moins d’avoir été directement témoin des faits, le praticien ne peut en aucun cas certifier l’origine du préjudice. Ce dernier peut avoir des causes diverses […]« .