Facettes et TVA

Dans un arrêt du 26 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Paris rappelle que la pose de facettes céramiques à visée esthétique ne constitue pas un acte à finalité thérapeutique au sens de l’article 261 du Code général des impôts. En conséquence, ces prestations ne peuvent bénéficier de l’exonération de TVA applicable aux soins dispensés aux personnes. Une décision qui vient une fois de plus préciser la frontière entre esthétique et thérapeutique dans l’exercice dentaire.

Cour administrative d’appel de Paris, 5ème Chambre, Arrêt nº 24PA00870 du 26 septembre 2025, Requête nº 25330

Les faits

Un chirurgien-dentiste libéral fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2016 à 2018. À l’issue de cette vérification, l’administration fiscale lui notifie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au motif de que la pose de facettes céramiques au cours de cette période n’ouvre pas droit à l’exonération prévue pour les « soins dispensés aux personnes » par les professions médicales (article 261, 4-1° du CGI).

Le praticien soutient que ces actes, codifiés HBMD048 dans la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM), présentaient une finalité thérapeutique et devaient être assimilés à des prothèses dentaires, elles-mêmes exonérées de TVA. Il faisait valoir, en outre, l’avis favorable de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la santé (ANAES) à la pose de facettes collées, ainsi que la mise à jour du BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 intervenue en avril 2025.

Le tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande de décharge, le praticien a formé appel.

La décision

Dans une décision du 26 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Paris confirme le jugement et rejette la requête de la société requérante.

S’appuyant sur la directive 2006/112/CE et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 21 mars 2013, Skatteverket c. PFC Clinic AB, C-91/12), la Cour rappelle que l’exonération de TVA suppose que l’acte poursuive une finalité thérapeutique, c’est-à-dire qu’il tende à diagnostiquer, soigner ou guérir une maladie ou une anomalie de santé.

Dans le cas du présent litige, le juge d’appel a considéré que l’acte HBMD048 était non remboursable et sans entente préalable ; Qu’il ne relevait pas du champ des prestations couvertes par l’Assurance maladie ; Et enfin, que les pièces versées au dossier ne démontrait pas, pour chaque acte réalisé, l’existence d’une indication thérapeutique.

La Cour a notamment relevé que la communication du praticien, sur son site internet, présentait ces traitements sous un angle essentiellement esthétique, ce qui a conforté l’administration dans sa requalification. Une telle posture met en exergue le fait que la finalité fiscale d’un acte médical peut dépendre de la manière dont il est présenté au grand public.

La Cour en conclut, dans le cas présent, que la pose de facettes céramiques a une visée essentiellement esthétique. Elle écarte également les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure (absence de débat contradictoire, taxation d’office, manquement à la loyauté), jugés infondés.

Discussion

Cette décision n’est pas surprenante : elle s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence européenne et nationale sur la fiscalité des actes esthétiques en matière de chirurgie dentaire. Suivant cette jurisprudence, la Cour d’appel opère ici une distinction nette entre l’acte esthétique, à visée cosmétique ou de confort, et le soin thérapeutique, relevant de la préservation ou de la restauration de la santé. Seuls les actes à visée thérapeutique peuvent bénéficier de l’exonération de TVA.

La pose de facettes demeure assujetti à la TVA, sauf preuve d’une finalité thérapeutique spécifique pouvant être démontrée par le chirurgien-dentiste, acte par acte.

Dans un contexte d’incertitude fiscale marqué par la suspension du nouveau seuil de franchise de TVA en 2025, cette décision souligne l’importance d’une traçabilité clinique et comptable rigoureuse : le praticien doit pouvoir démontrer, le cas échéant, le caractère thérapeutique documenté de l’acte (motif médical, diagnostic, retentissement fonctionnel).

Cet arrêt confirme enfin que la notion de soin “à finalité thérapeutique” prime sur la qualification technique de l’acte ou sa simple inscription à la CCAM.

Pour aller plus loin

Sabek, M. (2025). Comment s’applique la TVA pour les chirurgiens-dentistes en 2025 ? L’Information Dentaire, (20), 36–37.

Sur la thématique particulière de l’implantologie orale :

Diakonoff, H. (2021). Fiscalité et implantologie orale. Journal de droit de la santé et de l’assurance maladie, (29).


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