[Actu] Déremboursement des soins dentaires : des réponses, vraiment ?

L’annonce brutale du déremboursement partiel des soins dentaires par l’Assurance maladie, à l’été 2023, a suscité de la part des parlementaires français une levée de boucliers. Le ministère de la santé, questionné par plusieurs députés, a répondu à ces derniers bien tardivement et de manière particulièrement originale, puisqu’elle a adressé une unique réponse à toutes les questions posée. Mais au-delà de la forme, c’est bien le fond qui mérite toute l’attention ici.

Les questions

Différents députés de tous bords ont adressé des questions au ministère de la santé : Vincent Descoeur (LR), Jean-Philippe Tanguy (RN), Claudia Rouaux (PS), Caroline Fiat (PCF). De manière synthétique, ces questions soulevaient toutes la problématique du déremboursement des soins dentaires par l’Assurance Maladie, par transfert de charge aux complémentaires santé. Une démarche à 500 millions d’euros selon les principaux intéressés, le tout dans un contexte inflationniste. Le Ministère a fait le choix d’une unique réponse à toutes ces questions, très certainement dans un but de simplification (on ne lui en voudra donc pas).

Réponse du Ministère de la Santé, émise le 14 novembre 2023


« Tout d’abord, il convient de rappeler que l’impact de cette mesure sur la diminution de la prise en charge par l’Assurance maladie obligatoire des honoraires de chirurgiens-dentistes et actes relevant des soins dentaires, à compter du 1er octobre 2023, est neutre pour 96 % de la population qui bénéficie d’une assurance santé complémentaire, individuelle ou collective, pour financer les dépenses non couvertes par l’Assurance maladie obligatoire. Par ailleurs, il est important de souligner que cette mesure vise en premier lieu à rééquilibrer la part des dépenses de l’Assurance maladie obligatoire et celle des complémentaires santé dans la prise en charge des frais de santé des assurés. En effet, on observe, depuis 2010, une augmentation de la part des dépenses de l’Assurance maladie obligatoire au détriment de celle des complémentaires santé dans la consommation de soins et de biens médicaux. Cela s’explique notamment par la prise en charge, par l’Assurance maladie obligatoire, du ticket modérateur pour les personnes en affection longue durée (ALD), charge qui n’est donc pas supportée par les complémentaires santé, alors même que la part des personnes en ALD augmente. Enfin, cette mesure vise également à permettre à l’Assurance maladie obligatoire et aux organismes complémentaires de prendre toute leur place dans l’ensemble de la chaîne des soins dentaires, de la prévention à la réparation. Plus globalement, la problématique du renoncement aux soins est une priorité pour le Gouvernement. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’offre 100 % santé a été développée, depuis le 1er janvier 2021, pour lutter contre ce renoncement et proposer un ensemble de prestations de soins identifiées répondant aux besoins de santé nécessaires des patients, avec une garantie de qualité et sans reste à charge. Ce dispositif comporte notamment un panier dédié aux soins prothétiques dentaires. Depuis plusieurs mois, le Gouvernement souhaite aller plus loin et a mis la prévention en santé au cœur de ses priorités en travaillant à repenser le parcours de soins bucco-dentaires des patients en intégrant et en prenant mieux en charge la prévention, dès le plus jeune âge et en allant notamment vers une politique 100 % santé-prévention dans le domaine des soins bucco-dentaires. Ces travaux ont été récemment menés dans le cadre de la négociation de la convention dentaire entre l’Assurance maladie, les représentants des organismes complémentaires et les représentants des dentistes. L’objectif étant, pour l’ensemble de ces acteurs et pour le Gouvernement, de développer une approche préventive des soins dentaires et de diminuer à long terme le recours de la population aux actes prothétiques et implantaires« .

Tout l’art de noyer le poisson

La réponse du ministère comprends plusieurs arguments, qui semblent tous plus irrecevables les uns que les autres :

  • « Une démarche neutre pour 96% de la population qui bénéficie d’une couverture complémentaire » : cela signifie que la démarche est non neutre pour 4% de cette population, et pour la population ne bénéficiant pas de couverture complémentaire d’assurance maladie ! De plus, à 500 millions d’euros le transfert de charge, la démarche est loin d’être neutre !
  • « Un rééquilibrage des dépenses de santé par l’Assurance maladie » : l’Assurance maladie se plaint de prendre en charge davantage les frais de santé : n’est-ce pas là sa raison d’exister ? Le principe d’une complémentaire n’est-il pas de rester… Complémentaire ?
  • « Absorber les dépenses liées à l’ALD » : le français qui cotise auprès d’une complémentaire doit-il payer pour les patients bénéficiant d’une ALD ? L’Assurance maladie ouvre davantage le remboursement de certains actes aux ALD, pourquoi venir se plaindre ensuite que cela coûte de l’argent ?!
  • « La lutte contre le renoncement aux soins » et « la prévention » : bigre, les serpents de mers sont de sortie ! Puisse quelqu’un nous éclairer sur le lien entre le transfert de charge des dépenses de santé aux complémentaire et ces deux objectifs de santé publique !

Pour conclure, près de 5 mois après la décision brutale de dérembourser en partie les soins dentaires, le ministère de la santé n’arrive toujours pas à justifier de manière logique cette démarche décriée par tous : associations de patients, complémentaires, syndicats professionnels et Ordre.


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